Jardin, épisode 3.
Ce
qui est intéressant dans le jardin, c'est son côté gratuit. On
peut l'entretenir sans acheter beaucoup ou en n'achetant qu'un
minimum d'outils durables. Pour ce qui est des plantes beaucoup se
multipliant toutes seules ou facilement, on peut en donner et en
recevoir sans passer par l'argent.
Au
cours de ces dernières années, deux dons qu'on m'a faits, à chaque
fois de plusieurs plants, m'ont montré à quel point les végétaux
diffèrent et peuvent convenir ou non.
Certains
ne posent aucun problème. Dans ce genre, j'avais déjà, importés
de V.-É. et autrefois achetés par correspondance, des touffes de
tradescantia ou éphémère de Virginie. Se plaisant à l'ombre elle n'en a pas moins résisté
à la relative sécheresse d'un été récent, et elle s'installe
durablement sans envahir tout en faisant honneur à son nom commun.
Une petite plante rase à fleurs rouge vif qui les côtoie maintenant
a sa petitesse comme unique défaut : moins visible et moins
solidement enracinée, un coup d'outil peut lui être fatal. Mais une
fois qu'on en a pris conscience et qu'on y fait attention sa courte
floraison nous récompense. Je ne sais pas encore son nom.
D'autres
qu'elle ont peut-être aussi souffert de leur petitesse. Une petite
plante grasse a bien tenu jusqu'à une floraison discrète qui a
donné des graines ayant ensuite levé tout autour, mais quelques
jours plus tard tout avait disparu ! Une autre du même genre,
mais à fleurs jaunes, a, elle, disparu puis réapparu.
Certains
de ces cadeaux n'en sont pas vraiment. Une sorte de centaurée
n'avait eu aucun mal à reprendre et ses fleurs genre bleuet étaient
assez jolies. Ce n'est que deux ans plus tard qu'elle s'est révélée
redoutable, gagnant partout, même dans l'herbe, surtout par ses
racines. Depuis trois ans que j'ai commencé à l'éliminer, des
rejetons surgissent encore ça et là.
Paradoxalement,
je n'ai pas pu me résoudre à agir de même avec la plante en
l'honneur de laquelle j'écris ce nouveau billet horticole. Pourtant
c'était tout de suite qu'elle s'était fait remarquer : d'abord
par ses fleurs roses puis par la taille d'un mètre ou plus qu'elle
pouvait atteindre, exceptionnelle pour une herbacée ; ensuite
et surtout par son aptitude à projeter ses graines dès qu'on la
frôle. J'en ai eu peur : au printemps suivant, ce sont des
dizaines et des dizaines de pieds qui ont repoussé. Mais s'arrachant
sans problème et se décomposant facilement dans le compost. Comme
j'avais trouvé belle cette plante, abondamment fleurie pendant un
bon moment, attirant bourdons et abeilles, se fixant même dans peu
de terre et qui plus est étonnamment résistante au vent, j'en ai
gardé deux ou trois, et même un peu plus l'an dernier.
C'est
alors que je me suis demandé ce que c'était. Les moteurs de
recherche aidant, j'ai vite trouvé qu'il s'agissait de la balsamine
de l'Himalaya. Avait-elle vraiment fait tout ce chemin ? Sans
doute que oui, mais pas récemment ni en un jour. Poursuivant la
recherche je découvrais plus inquiétant : plante invasive !
Une envahisseuse, autrement dit. Colonise les zones humides et fait
reculer la flore locale. Cadeau empoisonné ? Ça m'a fait un
choc. En ai arraché une. Puis trouvant la chose désagréable ai
attendu et en ai parlé à G., qui m'a fait douter : il y a pire
comme risque. Relisant les articles lus, j'ai cru comprendre que le
problème concerne principalement les berges des rivières. Ici dans
le jardin, depuis trois ou quatre ans qu'on me l'a donné, elle n'a
posé aucun problème. Rien à voir avec le cas de la centaurée.
Aucune de ses graines n'est parvenue au jardinet de la maison
inhabitée voisine, que je nettoie à moitié avec l'autre voisin. Ni
dans l'autre jardin adjacent au nôtre, que je vois bien par-dessus
la haie. Si tant est qu'elle se manifeste encore ce printemps-ci,
j'en conserverai encore ainsi jusqu'à nouvel ordre.
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