...événement
Hier soir Brigitte Fontaine.
Comme au cinéma parfois ne
trouve qu'à résonner raisonner en noms, qu'à activer comme des
échos ce spectre de célébrités où je m'accroche tant bien que mal.
Hésite encore à les écrire, renonce à leur trouver un ordre
contraint du genre alphabétique, de crainte d' un imprévu plus
problématique que le sens à peu près chronologique de leur
survenue. Mais ce dernier m'échappant aussi voici je ne sais pas
comment pas n'importe qui. Antonin Artaud Samuel Beckett Isidore
Ducasse Comte de Lautréamont Léo Ferré Salvador Dali Raymond
Devos. D'autres pour la fin.
Spectacle : paradoxal.
Venu je me demande pourquoi ce préjugé écouter voir une chanteuse
c'est le théâtre qui me frappe d'abord, mais sa matérialité
inclut, et non pas comme décor, un cahier d'écritures. La musique :
éblouissante. La voix tapie et qui explose et profère.
Événement* : ici pour
démolir du mot son emploi médiatique consacré qui vient encenser
une quelconque manifestation, lui conférant un caractère d'apogée
ou de moment marquant un coup dans une histoire. Question peut-être
de lui donner un prix, d'un côté récompense et de l'autre à
payer, l'entre deux réduit à la préparation et à l'attente.
Quand Brigitte Fontaine se
produit sur scène, sa présence efface les deux. Performance
doublement efficace ni à prendre au sens sportif ni annoncée selon
les codes. On ne voit pas les fils qu'elle aurait tramés ni ne sait
à quoi s'attendre. Ce qu'elle produit n'est pas un produit. Sa
présence n'est pas photographique, pas enregistrable. Un cd d'elle
n'est qu'une consolation. Et qu'elle soit rare ne la rend pas plus
chère.
Hier soir, j'ai plusieurs
fois remarqué l'emploi qu'elle fait du pronom 'je'. Louvoyant à
plaisir entre position subjective et métaphore, elle nous confronte
au fantastique sans quitter le réel, sans jamais apporter d'eau aux
moulins qui nous cernent. Ose-t-elle le mot 'humanité', elle lui
adjoint aussitôt 'animalité'. Raconte-t-elle l'histoire de la
mouche et du prisonnier, elle est la mouche qui nous regarde.
*Événement : pour ma
part oui, comme un des pas faits dans l'étrange, ou du moins hors
des murs. Ceux du même ordre qui les ont précédés s'y rattachent
plus ou moins. Curieusement n'en fait pas partie son premier passage
ici, il y a des dizaines d'années à la Maison pour Tous. À
cette époque et à cet endroit, ce fut plutôt Art Zoyd, qui
dérangeait mes partitions. Bien plus tard, quelque part du côté
d'Isbergues, Henry Cow allait plus loin dans le déboulonnage. Puis
ici au théâtre, la musique de Magma, comme celle d'Areski Belkacem
hier soir, montrait jusqu'à quel point une force inouïe peut se
distinguer de la violence. Auparavant sans doute, c'était à Lille 3
dans un amphi que Colette Magny, elle aussi femme à voix et à
textes, incarnait au contraire comme une sorte d'agressivité positive. Ego diapason récepteur.
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