
Gravelines, vendredi dernier, croquis rapide, d'après photo reçue de Sandrine Dumarais
La secrétaire a téléphoné : il doit passer, un papier à signer. Vraiment passer ? Oui. Lorsqu’il était parti, faute d’alternative, on lui avait dit qu’il perdrait son poste et il avait pensé qu’il n’aurait plus à y retourner. La peur le reprend.
Il y va mercredi après-midi, pour ne voir que l’administration. Curieusement, le parking est presque totalement rempli. Mais les volets du bâtiment administratif sont fermés, mauvais signe. Le lourd portillon métallique est fermé et la sonnette n’y change rien. Que quelques fenêtres de l’autre bloc n’aient pas le rideau baissé et que la porte centrale soit même ouverte ne lui donne cependant pas envie de d’affronter quelqu’un. Il reviendra.
Occasion entre-temps de refaire un de ces cauchemars où il se trouve dans un tel endroit incapable de se faire entendre ou d’être effectivement présent. Il a beau parler, la situation dégénère très vite. L’alignement de l’auditoire s’altère peu à peu, puis la salle se reconfigure comme naturellement selon un plan qui l’exclut : un grand vide au centre, et ça et la autour des agrégats irréguliers de tables, où l’on discute d’autres sujets, voire travaille à autre chose. Il n’y a en fait aucune opposition ou contestation verbalement exprimée, la question ne s’en pose même pas. Il quitte son bureau pour considérer le groupe à sa périphérie même. A lui la liberté de penser qu’il est out, que sa conception de l’ordre et de la forme ne cache qu’à peine carence et autisme.
L’ayant transcrit comme beaucoup d’autres rêves, avec les liens hypertextes appropriés, là l’imaginaire, là la réalité, il y voit une autre image. Tout en rappelant l’ancienne situation d’angoisse, le groupe problématique figure aussi sa transformation actuelle. D’une part, à l’extérieur (vers l’extérieur ?), des activités diverses plus ou moins structurées, mais sans véritable enjeu personnel, et au centre comme une déforestation grandissante la désintégration inexorable des pulsions vitales.
Retour à l’établissement et entrée furtive dans le hall d’entrée. La secrétaire le reconnaît et il a plaisir à la retrouver. Capable elle est d’être agréable sans lui demander si ça va. La personne qui va le faire arrive en riant comme si elle le retrouvait avec plaisir : cette bonne blague qu’il leur a faite de leur fausser compagnie ! Il doit comprendre qu’elle voudrait bien être à sa place, et qu’en fait la question qu’elle lui pose ne se pose même pas, bien sûr qu’il va bien.
Ce faisant elle l’a seulement aidé à répondre que ça ne le faisait pas rigoler d’être payé à ne rien faire. Sur ce elle est partie, et pour une fois, est-ce c’est qu’il fait des progrès, il n’était pas vraiment énervé et a pu en partant saluer la secrétaire comme elle le méritait en lui rendant son sourire. L’autre personne n’est pas ici mise en cause en tant que telle, mais à ce moment donné comme le visage narquois des bureaucraties et des directions de ressources humaines. Oui et vous, merci madame.
Comme il rentrait chez lui, l’homme au chien lui a dit, vous avez vu, votre garage se fissure. Oui il sait, oui il a vu. Vous devez pouvoir bénéficier de la garantie décennale. A moins que l’entreprise… Depuis plus dix ou vingt ans qu’il passe, tout juste s’il regarde ou répond des bout des lèvres si on dit bonjour. C’est la deuxième fois qu’il parle. La fois précédente trois semaines auparavant, après les grands vents. Vous avez vu, votre antenne est cassée. Merci monsieur.
Me préparant à enregistrer dans mon Journal des rêves la transcription d’un nouveau et vérifiant le nom des précédents fichiers, je m’étonne de voir dans la liste des icônes "texte" des icônes "image". Aurais-je rapporté des photos prises pendant mon sommeil ? Je pense plutôt avoir fait une erreur d’emplacement lors d’un autre enregistrement. Mais l’ouverture des fichiers me remémore vaguement ce dont il s’agit. Cette fois-là au réveil, j’avais eu envie non seulement de raconter quelque chose mais aussi de reproduire un élément graphique, en fait un signe dont l’incertitude a abouti à produire une suite de quatre états, tout autant invention que souvenir, j’en conviens volontiers. Mais le résultat que j’avais oublié ne me déplaît pas.
Coïncidence : je lis actuellement Histoire de cauchemars, un des recueils de nouvelles de la « Grande Anthologie du Fantastique » (« Presses-Pocket », 1977) et dans le récit que j’ai terminé hier ou avant-hier, Juste un rêveur, de Robert Arthur, le héros rêve si bien ou si fort que les objets imaginés finissent par acquérir des propriétés physiques visuelles et tactiles qui lui font croire à leur réalité, jusqu’au point de pouvoir par exemple caresser un chat apparu. Ce n’est qu’un début : les témoins éveillés les voient bientôt aussi !
Mes « suppléments » sont de beaucoup plus modestes :