Idées auto-mobiles

Ayant entendu Comme on est venu sur mon autoradio, je n'ai pas reconnu Vaya Con Dios mais cela m'a fait plaisir d'entendre ensuite leur nom, des années après les avoir découverts de la même façon au hasard des ondes grâce à une autre chanson, dont le charme est resté pour moi vivace jusqu'à aujourd'hui. Il faut dire que je suis sensible aux chansons. Elle ne sont qu'exceptionnellement des poèmes mis en musique mais ont justement ceci de magique de n'être rien en dehors de la conjonction d'un texte, d'une musique et d'une voix – cette dernière y étant souvent pour beaucoup.

En l’occurrence, Just a friend of mine avait je ne sais quoi d'à la fois intemporel et si évident que je me suis d'abord pensé ignare de ne rien en savoir. Comme un film connu de tout un chacun que je n'aurais jamais vu. De même Puerto Rico m'a semblé d'emblée faire partie d'une réalité culturelle préexistante : non pas écrite dans un genre mais y appartenant. D'apprendre par la suite que la chanteuse Dani Klein était belge et de mon époque n'a fait qu'ajouter à mon admiration pour elle.

Cette fois-ci au contraire le propos est bien temporel et exprime sinon un refus des croyances religieuses du moins un rejet catégorique des débordements des cultes dont les préceptes et les interdictions ne font trop souvent que mordre sur notre vie déjà courte. Le refrain reprend le titre :

Il n'y a qu'une seule chose dont on soit sûr
Comme on est venu...
On repartira.

Nous sommes ici tout proches des Brel, Brassens et Ferré, mais peut-être aussi des Willem Vermandere et autres Jules de Corte du domaine néerlandophone. En ce qui concerne ces derniers, je m'avance peut-être trop à partir de bribes plus ou moins bien comprises chez l'un et l'autre. Pas de problème en tout cas avec le texte français du titre qui me fait écrire ici.

Dans ma voiture, j'ai tout d'un coup pensé aux femmes auxquelles une religion impose ou fait désirer la burqa, puis, à ceux de nos compatriotes qui circulent dans des véhicules dont les vitres, à l'exception du pare-brise , sont noircies. J'ai alors pensé qu'il serait plaisant de parler dans ce cas de burqas à roulettes, tout à fait de chez nous. Je me rappelle en effet une expérience personnelle. Un jour, comme je venais de faire le plein dans une station-service et que je payais à la caisse, j'attendais avec impatience et curiosité l'entrée du client suivant, dont je n'avais vu que la voiture ainsi transformée en quasi-chambre noire. Enfin j'allais pouvoir voir à quoi ressemble un de ces conducteurs photophobes! Comme j'aurais dû m'en douter, il franchit le seuil protégé par des lunettes de soleil. Je viens de lire qu'elles sont aussi conseillées aux femmes dans certaines régions du monde.

Mais je n'ai pas à fanfaronner, moi qui ci-contre ai remplacé ma photo par des phares qui trouent la nuit. Je trouvais que mes cheveux gris étaient devenus trompeurs par rapport à la réalité et n'avais pas envie d'imiter Roman Opalka qui se photographie après chaque séance de peinture. Et je crois que la toile ajoute trop vite notre image à ses galeries publicitaires.

Chacun son explication. Mais en ce qui me concerne les voitures noircies me déplaisent encore plus que les autres. Quant aux femmes voilées c'est plus compliqué et il ne faudrait pas l'analyser sans s'interroger par exemple sur les variations extrêmes de la pudeur vestimentaire et l'utilisation marchande de la nudité.

Pour ce qui est des musulmanes ou autres qui ont un simple foulard qui laisse voir le visage, ce qui me frappe c'est que les médias, à ma connaissance, ne rappellent jamais que ce banal accessoire a longtemps fait partie du costume de beaucoup de paysannes européennes, comme si on voulait rendre l'autre plus autre qu'il n'est. Il me semble que je n'ai jamais vu ma grand-mère sans, et d'après ma mère, dans les villages et jusqu'après la guerre, aucune femme ne serait rentrée à l'église les cheveux découverts.

On revient au thème de Comme on est venu...

Graffiti


Dieu est mort ne remue ni patte ni oreille

On n'a plus pour lumière quand il est très tôt

Que les cierges stupides des panneaux robots

Qui cassés continuent à taper sur les nerfs


Dérangements

Rêve-éclair : tout se suit en un instant. Samedi soir, endormi sur la banquette où j'avais commencé à regarder cette rediffusion actuelle du feuilleton Le prisonnier sans avoir réussi à en voir un seul épisode entier. N'en ai apprécié que l'aspect plastique, que les couleurs, dont je ne sais pas si elles sont d'époque ou rajoutées récemment. Le pull ou je ne sais quel autre haut rayé de la protagoniste du personnage principal.

D'abord simplement quelque part, dans le rassemblement mi-privé mi-public d'une fête ou d'un événement culturel, une femme jeune, non pas adolescente mais dans les trente ans quand même jeune comme je ne suis plus. Me fait la bise et dit quelque chose comme : Ça va toi? Interrogation qui n'en est pas une mais le bonjour d'une personne de l'autre sexe qui ni m'attire ni me déplaît et que je vois avec plaisir sans crainte ni obligation : la femme facile non pas au sens trivial de femme légère dont la sexualité est le seul attribut mais au contraire celle pour qui cela n'aurait été non pas crucial mais simplement une des pièces des rapports humains - celle-là qui, bien plus que les poupées érotico-pornographiques de la misère solitaire, mériterait d'être appelée fantasme, si seulement j'arrivais à ne plus me souvenir que deux ou trois réelles ont croisé ma vie, et que je les ai parfois méprisées – ou est-ce erreur, encore? Cette parenthèse avant la chute.

Le lieu du rêve se définissant davantage devient une sorte de long espace où l'on peut ou rester debout ou s'asseoir, d'abord un bar puis l'intérieur d'un véhicule de transport en commun (salut les psys), genre voiture de métro ou bus accordéon. Je cherche en vain deux sièges côte à côte mais je n'en vois que des isolés ou alors curieusement disposés les uns par rapport aux autres, ni adjacents ni opposés ni même à angle droit, comme pensé à dessein par un architecte d'ameublement urbain à la solde de je ne sais quel Big Brother. Je me dis tant pis, de toute façon j'ai oublié le nom, je veux dire le prénom, de cette femme hasardée qui a déjà disparu, et j'aurais eu trop honte de le lui (re)demander.

(Dimanche après-midi, quelqu'un refuse l'ordre des chaises.)