Pertes et profits








Fin :
JNP VIII-2000, peinture perdue



J.-M. R., La Voix du Nord du jeudi 25 mai 2006 :

La Poste égare cent copies de Sciences Po Lille
« C’est un fait rarissime. » Le ser­vice communication de La Poste, après plusieurs jours de recher­ches, se confond en excuses. Le paquet de cent copies de l’épreuve de culture générale pour l’admission en deuxième an­née n’est jamais parvenu à son correcteur.
« Il ne s’agissait pas de courrier traçabilisé, expli­que-t-on encore à La Poste. C’était juste un recommandé. »[…]

Octobre-novembre 2000, j’expose à Lompret, à La Petite Renarde Rusée. Je vendrai une petite gouache cette fois-là et une petite peinture acrylique après « In The Garage ». Quelque temps plus tard, je pense que je vais en vendre deux autres, commandées par un ami, artiste postal (on verra que c’est le comble) de l’Oise qui, n’ayant pas pu se déplacer, s'est décidé d'après photos. Les tableaux n’étant ni grands ni lourds et les emballer correctement ne me posant pas problème, je lui propose naïvement de les lui envoyer par la poste.


Expédiés en « Recommandé R3 » le 11 octobre 2002, ils n’arriveront jamais à destination. Après réclamation le 19 novembre suivant et de multiples courriers au bureau de poste local, au « Service Clients Courrier » de Libourne, puis au plus haut niveau que je croyais atteindre, à savoir la « Direction Générale de l’Industrie, des technologies de l’Information et des Postes, Service des Industries Manufacturières et des Activités Postales », soit plus de six mois d’échanges de lettres, je n’aurais jamais d’autre réponse que :

« Après enquête, votre colis a été déclaré perdu. […] vous avez été indemnisé le 17 décembre du montant forfaitaire correspondant. »
Aucune de ces réponses n’a jamais fait allusion aux questions posées par moi dès l’annonce, que je trouvais extraordinaire, de la perte.

Il m’était déjà arrivé, par mégarde, de mettre une lettre à la boîte de départ de mon bureau de poste, et de me rappeler ensuite que je m’étais trompé d’adresse ou que je devais compléter l’affranchissement. Lorsque je le signalais aussitôt après au guichet, je n’ai jamais eu de difficultés pour rectifier l’erreur, à deux conditions : que le courrier puisse m’être attribué sans aucune ambiguïté ; que la rectification soit faite par les employés eux-mêmes : pas question de reprendre en main propre la lettre mise à la boîte. Je trouvais ça bien. Cela me confortait dans l’idée que j’avais d’un circuit hermétiquement sûr dont le personnel était seul et pleinement responsable et je croyais que l’indemnisation des objets recommandés intervenait en cas d’incident majeur : catastrophe naturelle, incendie ou cambriolage. J’avais tort.
Alors qu’un seul département sépare nos départements respectifs, je n’ai jamais réussi à savoir aucune des circonstances de la disparition : où, quand, comment, sous la responsabilité de qui? J’ai alors compris que cette disposition était simplement prévue pour couvrir tous les dysfonctionnements possibles sans avoir à les justifier.

En ce qui me concerne, le problème n’est pas la valeur de mes productions. Un imprimeur local à qui je reprochais de n’avoir pas tenu compte de mes consignes écrites de mises en page d’une impression commandée m’a une fois dit que « de toute façon ça n’était pas génial ». Le problème est celui du travail attendu de tel ou tel prestataire, professionnel ou non. Un autre imprimeur, pourtant éloigné, à qui je reprochais d’avoir transformé un rouge vermillon en rouge carmin m’a simplement demandé de réexpédier les imprimés reçus. Quelques jours plus tard je recevais l’ensemble correctement réimprimé.
D’autre part, dans ma transaction rompue, mon correspondant faisait plus que payer : il donnait un sens à ce que j’avais fait et en attendait une satisfaction. Nous avons tous les deux perdu et quelqu’un d’autre en profite sûrement : je n’ai jamais reçu aucune preuve circonstanciée d'une destruction de marchandise. Des excuses, oui : autant que de lettres-types reçues.


La Poste aurait-elle changé entre temps ? Suite de l’article :

« Nous présentons nos excuses aux étudiants et à 1’IEP », lâche la responsable de la com­munication de La Poste dont un représentant participera ven­dredi à une conférence de presse avec la direction de l’IEP. Ce jour-là, on en apprendra sans doute un peu plus sur les circons­tances de la mystérieuse disparition.

Sans doute. Qui croit vraiment à une enquête ? L’intervention d’un responsable de la communication n’est pas de bon augure. Call centers et hotlines, tampons en tous genres, les seigneurs des châteaux plus que jamais inaccessibles volent (comme des oiseaux) au-dessus de la mêlée. Et c’est justement une coïncidence (qui n’en est peut-être pas une : y aurait-il article pour des particuliers non particuliers ?) qui me fait revenir sur ce chapitre désagréable. Une note termine la relation du fait divers :

~ Le 17 mai déjà, les candidats à l’ED­HEC avaient dû repasser une épreuve après la disparition d’un paquet de co­pies.

Science Po, EDHEC… Je ne veux ni ne peux polémiquer, ni dénigrer La Poste, ni surtout faire des reproches à ceux qui y travaillent : beaucoup partagent avec les usagers une même conception de cette activité civilisée. Mais je ne suis pas sûr qu’il en aille de même avec ceux qui la dirigent. Si seulement les politiques, commerciaux et autres directeurs de ressources humaines pouvaient à l’occasion se rendre compte qu’il manque ici et là un peu d’humanité non intérimaire… Mais aiment-ils leur travail autant que les facteurs l’aimaient?
Personnellement, je crois que comme avec ma conception du Courrier recommandé je me suis mis le doigt dans l’œil en disant oui à l’Europe : je voyais en rêve une extension à l’échelle continentale des services publics, chemins de fer et postes y compris, où aurait été réuni tout ce que chaque pays avait de meilleur en la matière.

Le titre de la deuxième peinture perdue* vient en partie du fait que je m’y suis servi d’un tube que je n’utilise pratiquement jamais, préférant reconstituer la couleur en question. Si jamais vous les voyez passer quelque part ...

*JNP 1-IX-2000 : Travail au noir


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