C’est peu dire qu’il t’agace : il se paye ta tête. Ne voilà-t-il pas qu’il a ouvert un blog à ton nom et qu’il y fait montre de ce que tu détestes le plus au monde : l’arrogance ? Sous des airs de sainte-nitouche, cette assurance, cet amour-propre, cette suffisance qui te font défaut. Quel mépris aussi : il fait comme si tu n’existais pas. Et toi tu le laisses faire.
Tu te demandes où tu es passé, par quelle trappe ou par quelle moulinette ; où sont tes affaires. Où retrouver cette grimace qui te servait de face, cette sensation de perdre pied juste avant l’anéantissement qui te donnait à des moments critiques au moins la quasi-certitude, la douloureuse sensation de disparaître personnellement et d’avoir ainsi, comme ces particules infinitésimales que traquent les accélérateurs, fugacement existé au monde, été toi dans l’entre-deux un instant ouvert. Cet évanouissement était ta marque, l’entaille de l’arbre, le petit caillou qui te servait de trace, le miroir de poche où tu te reconnaissais.
A quoi bon regarder autour, un cataclysme subreptice a remanié le monde. Le paysage est cotonneux ou bien violemment factice, planté d’images et d’écrans, quadrillé de relais et prolongé d’échos, démonstration artificielle paradoxalement assortie d’une disparition des bornes kilomériques kilométriques, d’un brouillage des poids et mesures, d’un arrêt progressif des horloges à aiguilles ? Le style tordu d’un cadran solaire affiche la nouvelle donne. Allez dis-le, que le sourire des femmes a perdu son fil, que tu te bandes de plus en plus souvent les yeux pour ne pas les voir.
Ton remplaçant imperturbable n'a aucun état d'âme. De quoi peut-il bien tirer cette capacité d’employé modèle, cette tranquillité trop belle pour être honnête ? Ne t’aurait-il pas subtilisé quelque part quelque chose d’essentiel ? Sûrement qu’il a un truc, pour faire ici la pirouette.
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