David Lynch fait partie des réalisateurs qui m’intéressent absolument : je suis prêt à voir tout ce qu’ils ont produit. Parfois je suis déçu par tel ou tel de leurs films. Ce fut le cas pour Inland Empire. Peut-être que j’attendais trop un autre Mulholland Drive. Mais mon intérêt pour l’auteur n’en a en rien été atteint. Il m’arrive aussi d’aller voir d’autres films : pour le genre ou pour une critique que j’ai lue – plus rarement pour un acteur ou une actrice, ou par curiosité.
C’est ainsi que j’ai vu Bug. J’ai pensé à un moment donné que son brio allait compenser le manque ressenti au spectacle précédent mais les choses se sont peu à peu gâchées. Peut-être l’aurais-je moins mal pris si j’avais su dès le départ que c’était un film d’horreur – mais je n’aime pas non plus trop en savoir d’avance. C’est de même que j’ai ensuite vu Anna M. : pas vraiment décidé. Comme dans le film précédent une technique et un jeu d’acteur irréprochables m’ont malgré tout tenu en haleine, pour m’amener décontenancé aux dernières images. Dans ces deux films, si réalisation et "histoire" correspondent parfaitement à ce qu’on est supposé attendre du cinéma : rythme, cohérence, intensité, c’en est trop pour ma part. Je me sens à la fin comme écrasé ou jeté à la rue.
Le quatre-quarts va pourtant lever. Jacques Rivette me fascine depuis Céline et Julie vont en bateau. Va savoir aura été à la hauteur, même à la télévision. Et si le dénouement tient de l’escamotage : "Qu’est-ce que vous êtes allés penser ? Tout va bien, entre nous !", il n’empêche que son train fantôme m’a mené de surprise en surprise deux heures et demie durant.
Résultat : mes fidélités n’ont pas changé. Je cherche à comprendre un rapprochement conjoncturel qui ne va pas de soi. Reprenons néanmoins les films un et quatre. Tous les deux recèlent une fiction enchâssée, non pas selon le mode du flash-back mais tissée dans le temps comme ces romans qui nous habitent ou qu’on croit écrire, et dont des bribes surgissent en plein quotidien. Est-ce sur le plan du travail, ou du style, qu’il faut alors opposer la légèreté partout évoquée de l’un à la désinvolture ici et là reprochée à l’autre ? La pesanteur narrative des films deux et trois a en fait relativisé ma déception initiale. Chacun à leur façon, trop ou pas assez, David Lynch et Jacques Rivette racontent en esquivant les pièges, approchant ou exposant le pire tout en laissant paraître la mise en scène foraine ou théâtrale, nous forçant à regarder en nous les intrigues et les drames dont ils ne nous ont pas délivrés.
Trop belle la chute. J’avais aussi pensé parler d’univers que j’ai plaisir à retrouver et trouve maintenant plus simple d’employer provisoirement le mot vocabulaires, d’aucuns y verront des tics ou des manies, moi non. Pacotille ou monnaie, leur valeur est peut-être ailleurs. Éclairages, tentures, personnages inquiétants pour l’un, chasse au trésor, ville fétiche et jeu d’équipe pour l’autre, l’amateur y retrouve son compte, voire s’y raccroche…
Quant aux acteurs, les ayant longtemps confondus avec l’image idéale qui les représente souvent, ou bien autrement enviés que les réalisateurs, l’intérêt que je leur porte est relativement récent. Ceux que j’aime ont les mêmes vertus que mes cinéastes préférés : mystérieux et ouverts, présents et ailleurs, et ont comme eux un grain : de folie bien sûr, jouée il importe, mais aussi au même titre qu’un papier ou une peau. Mon dernier béguin : Emmanuelle Devos. Ici, Jeanne Balibar a commencé à m’intriguer.
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