Les jardins publics nous avaient habitués aux pancartes plantées au pied de tel ou tel arbre et qui nous donnaient son nom latin ou nous renseignaient sur son origine. Il suffisait de lever les yeux pour le regarder une deuxième fois. Celles plantées ici sont d'une autre nature – façon de parler. Bardées de métal, vitrées ou plastifiées, raccordées à des câbles électriques et même surmontées d'appendices en forme d'antennes, elles sont tout sauf naturelles. Pire, elles envahissent les allées et divertissent le regard. Regardez ici! Voyez comme la coccinelle est belle! Mon œil! Il y a belle lurette que les plantations urbaines n'attirent plus les papillons ni aucun autre invertébré. Autos mobiles et insecticides, macadam et panneaux publicitaires, les parterres au carré craignent même la terre. On leur apporte leur terreau calculé et leur eau en citerne, on recouvre le sol de plastique ou d'écorces stériles. Regardez les images. Soyez sages vous aurez un bon point.
C'est la deuxième année que les gens d'ici ont ainsi droit à une exposition environnementale soi-disant écologique et soi-disant gratuite, alors qu'elle a été sauf erreur bel et bien payée avec les impôts locaux. Un fournisseur a trouvé là le bon filon. Ailleurs en ville les murs aussi ont des images. Comment boucher les trous des usines qui se sont fait la malle, des prisunics et autres monoprix trop luxueux pour la clientèle indigène, et d'autant plus qu'elle a déjà été mise en coupe réglée par d'autres grandes enseignes plus populaires? Entendons : moins de produits véritablement durables et plus de plastique supposé jetable, alors qu'il durera des siècles dans les terres et les eaux – l'essentiel étant qu'il le paraisse et permette le renouvellement.... De grandes bâches peintes feront l'affaire et la fête foraine peut continuer à battre chaque année son plein, comme si de rien n'était. Les bourgeois ont, dit-on, apporté les clés.
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