Si l'illustration de couverture du Mépris n° 1 évoquait cruellement la censure, celle de ce n° 2 proclame violemment la liberté d'expression. La devise inchangée passée dessous, un sous-titre a pris sa place : Sternberg and Co, qui sera quelque peu justifié page 3. En effet, si l'auteur y garde sa place de directeur, le voici maintenant assisté pour la rédaction, cette fois en français dans le texte : 'et Cie'. Mais c'est une sorte de note en bas de la même page qui développe l'information : Berner et Kesselring pour la maquette et les dessins, Leiter pour la couverture, et pour les 'chœurs' Topor, Jacques Loew, Bacri et Gourmelin. Ces noms propres et quelques autres nous aideront à zigzaguer dans le contenu de la revue humoristique.
Parmi les rubriques du n° 1 qui reviennent ici, comme le 'Lexique toxique', le 'Journal littéraire de Jacques Sternberg' ou encore 'Les Grandes rencontres', Topor signe une nouvelle page de 'Questions' désopilantes, parfois en elles-mêmes mais aussi et surtout dans leur accumulation, leur rapprochement ou leur position dans le texte. Cela va de "Les animaux domestiques sont-ils payés au mois?" à "Ne devrions-nous pas nous séparer?"
Pour Gabriel Bacri, Jacques Sternberg a ouvert une page de 'L'encyclopédie permanente du Mépris' pour présenter un choix de ses 'bacrites' ». Exemple : "Jésus monta au ciel sans se faire prier"ou "Torturé avec soin, il s'en remis rapidement." Une note invite à ne pas le confondre avec Roland Bacri, non sans raison : si le 'rimeur professionnel'du Canard enchaîné est bien rentré dans Wikipédia, Robert non. Est-ce parce qu'il écrivait peu et court, ou bien parce qu'il figure dans les Chefs-d'œuvres de la Méchanceté des Éditions Planète?
Quant à Jean Gourmelin, il dessine sur un scénario de Jacques Sternberg "Les journées de Mr Vase", bande dessinée à suivre, dont le héros naturellement représentant de commerce s'intègre parfaitement aux paysages désesprérants du dessinateur.
La présence du nom de Jacques Loew est à priori plus étonnante. S'agissant, si nous ne nous trompons pas, d'une personnalité religieuse, on peut imaginer une moquerie mais l'univers de Sternberg n'est pas spécialement antireligieux, simplement en dehors, ou l'inverse, et la personnalité de Jacques Loeuw, converti et prêtre ouvrier, semble suffisamment complexe pour autoriser un rapprochement, sans compter qu'il a fondé une école de théologie en Suisse, et qu'il a été l'auteur d'un recueil de réflexions illustré par Jacques Faizant. Même si ce dernier semble bien éloigné de l'univers de Jacques Sternberg, le titre du livre s'en rapprocherait peut-être : Paraboles et Fariboles. Mais peut-être vaut-il mieux s'en tenir à la première hypothèse, car on ne trouve ensuite plus aucune trace de ce 'collaborateur'. Éventuels éclaircissements bienvenus.
La quatrième de couverture représente un œuf qui éclot dessiné par Berner et orné des mêmes noms, plus un : celui d'André Frédérique.
C'est en fait le Plan d'une exposition universelle, une page choisie de cet auteur qu'on trouve page 17 sous la rubrique 'Les classiques du futur', avec une introduction qui rappelle son suicide et qui oppose l'oubli dans lequel il est tombé avec la 'gloire' de Boris Vian. Et il est vrai que cette description effrénée d'une noirceur que la pataphysique n'atténue pas n'a que cela à lui envier, et on comprend aussi que Sternberg ait eu envie de le ranger parmi les siens.
Autre page choisie : le 'Conte méprisant du mois' est signé Gérard Klein, sans que son nom apparaisse dans aucun sommaire.
Quant aux critiques brèves des dernières pages, si le 'Cinéma cinéma' est soi-disant de Charles Isidore Ambérieu et qu'il s'agit peut-être d'une plaisanterie, la rubrique 'Méprisons toujours'... est précédée d'une 'Note de la rédaction' qui indique que "...ces notes de lecture ont été rédigées par Claire Parenti et Jacques Sternberg sans aucun plan de travail". La première serait la seule femme de l'équipe : est-ce la personne qui travaillait aux Éditions Tchou dans les années 70? (Internet)
Ces critiques attribuent la distinction 'mérite le détour' à Milan Kundera, Max Gallo (la garderait-il aujourd'hui?), Alain Dorémieux (Anthologie S.-F.), Chas Addams (dessins), Jack London ('un grand maudit'), Cardon (dessins), Thomasch Disch (S.-F.), Guy Pellaert et Nik Cohn, Saul Steinberg (dessins).
Pour le reste, la cible restant la littérature qui réussit, prix et best-sellers, les noms d'écrivains foisonnent, avec cette fois-ci comme bouc émissaire ou tête de Turc Suzanne Prou : 'Interview modèle d'un auteur primé en fin d'année' et dans la série 'Les grandes rencontres' Paul Guth : 'au goutte-à-goutte'...
À noter aussi l'article "Quand on me parle de culture je sors mon catalogue", basé sur des titres de romans sentimentaux, qu'on pourrait facilement réactualiser avec ceux des éditions correspondantes actuelles.
Au terme de cette revue de revue, constatons que l'art de Jacques Sternberg tend à rendre Mépris à la fois reconnaissable et insaisissable. À suivre : il nous en reste un numéro.
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